Ҩ i'd like to be a drop in the ocean

Ennui mortel, c’était ce qui avait fini par la prendre ce soir là. Elle était pourtant soigneusement occupée à regarder le plafond de sa chambre à coucher, quand elle en a finalement eu marre d’attendre le sommeil. Oh, c’était sans doute parce qu’il n’était pas bien tard d’ailleurs, mais elle n’avait rien trouvé de mieux à faire que d’aller se coucher pour occuper sa soirée. Allez savoir pourquoi. Si elle s’ouvrait un peu plus l’esprit, sans doute que les choses seraient plus faciles, sans doute qu’elle aurait été à l’une des soirées organisées ce soir, sans doute encore qu’elle ne serait pas là, dans la pénombre de sa chambre à ne rien faire d’autre que regarder le plafond. C’est ainsi qu’elle avait décidé de se relever, pour enfiler des fringues et descendre rejoindre les autres. Il n’y avait déjà plus grand monde, à croire que les gens avaient également commencé à penser que toutes ces histoires de retrouvailles devenaient d’un ennui trop mortel pour continuer cette mascarade plus longtemps. Finalement, peut-être qu’elle n’était pas la seule rabat-joie du coin, tiens. Arrivée donc dans la salle de réception, Jules remarqua rapidement que les serveurs étaient déjà en train de ramasser les affaires, et les gens continuaient de filer loin de la fête. Génial, elle avait vraiment tout rater, à croire qu’elle avait un don pour ça : heureusement qu’elle n’ait pas prévu de connaître la soirée de sa vie ce soir. Tant pis, elle se débrouillerait pour s’amuser toute seule, si tant est que ce soit possible dans un endroit pareil… ou plutôt, à une heure pareille. Car oui, le temps continuait d’avancer et peu à peu, l’heure acceptable pour sortir, devenait presque une heure indécente. Tant pis, elle avait toujours été du genre indécente alors ça ne changerait pas beaucoup de ses bonnes vieilles habitudes ce soir. D’autant plus que finalement, bien au contraire de ce qu’elle avait imaginé, Elias n’était pas si collant que ça (voire le parfait contraire), ce qui lui permettait de jouir d’une liberté quasi-totale. Si tant est qu’elle sache en profiter. Un regard autour de la pièce lui permit rapidement de se rendre compte qu’elle était presque seule et que les regards qui demeuraient ici, ne faisaient pas attention à elle. Tant mieux. Elle attrapa la bouteille de scotch qui était toujours là, celle là même qui était presque devenue sa nouvelle copine depuis son arrivée à Block Island. Ni vu, ni connu, elle se dirigea vers la sortie de la grande ferme qui servait de domicile à tous les touristes qui avaient débarqué ici. Ce n’était pas très loin de la plage, si bien qu’elle décida de s’y rendre à pieds, sans se fourvoyer des yeux interrogateurs qui pouvaient se poser sur la jeune femme qu’elle était, celle là même qui se promenait avec une bouteille de scotch presque vide à la main.

Désormais arrivée sur la plage, assise dans le sable face à la mer dont les quelques embruns se dessinaient sur l’écume, elle soupira. Elle avait décidé d’enlever ses chaussures pour mieux profiter de la fraîcheur du sable, ainsi que de cette humidité ambiante qui amenait une légère brise très agréable. Ca lui rappelait Los Angeles, ou presque, les plages de là bas, les fois où elle s’y retrouvait également la nuit pour profiter de la vue qu’on pouvait avoir sur quelques coins de la ville ou même sur la mer elle-même. Oui, incontestablement, la maison lui manquait, ses amis lui manquaient… même ses parents lui manquaient, c’est dire ! Amère alors qu’elle se rendait compte que son séjour n’était pas aussi rose qu’elle n’avait pu l’escompter dans un coin bien caché de son esprit, Jules déboucha la bouteille, en quelques gestes las et presque fatigués. Mais non, elle n’était pas fatiguée, sans quoi elle ne serait probablement pas en train de passer son insomnie sur la plage mais dans son lit, tranquillement en train de dormir comme elle le faisait si souvent habituellement ! Il fallait toujours qu’il y ait de sales soirées, parsemées de moments de solitude et autres réflexions déprimantes sur la vie et tout ce qui pouvait manquer. Hop là, elle avala une première longue gorgée au goulot de la bouteille, réprimant une légère grimace en sentant l’âpre alcool glisser le long de sa gorge. Après le goût du dentifrice, il fallait dire que le goût du scotch avait quelque chose d’on ne peut plus détonnant ! Et dire qu’à une époque, elle était assise là, à regarder les étoiles avec son père. Il avait le don de tout connaître, les constellations et quelques autres histoires compliquées, toujours de quoi impressionner sa fille en tout cas. Et voilà qu’un nouvel élan de nostalgie la traversait, elle esquissait un léger sourire en coin de lèvres, le regard soudainement vague. Berk, tout ceci ne lui ressemblait tellement pas ! Et pourtant, ça lui arrivait de plus en plus souvent, ces conneries de bonne conscience. Tout comme cette envie que ses parents avaient : faire d’elle ce qu’elle n’était pas ! Certes, mûrir c’était demandé à toutes les jeunes filles, qu’elles sortent des beaux quartiers ou non, mais quand bien même, elle semblait promise à être immature toute sa vie alors pourquoi est-ce qu’il fallait qu’elle cherche à être ce à quoi elle ne ressemblerait jamais ? Tsss. Ses parents avaient de toute manière passé trop de temps à la comparer à d’autres gamines mille fois plus parfaites qu’elle… alors bon, ils cherchaient sans doute trop loin pour elle.

Elle détestait ses parents, tout autant qu’ils la méprisaient pour ce qu’elle n’était pas. M’enfin, ils ne la méprisaient qu’inconsciemment, tandis que dans leur tête ils s’étaient finalement persuadés qu’ils cherchaient juste à la faire grandir, pour son bien. Et voilà qu’elle avalait à présent encore une gorgée de sotch, plus longue encore que la précédente, rien que pour ne pas améliorer son cas. Bientôt, elle finirait par danser la polka sur cette plage, mais qu’importait, personne n’était là pour la regarder faire de toute manière. Personne du moins, c’est ce qu’elle pensait, pensée qui fut contredite à peine née, lorsqu’elle entendit un craquement non loin, dans son dos. Paranoïa de citadine oblige, elle se retourna brusquement, laissant la bouteille de scotch tomber dans le sable sans plus s’en préoccuper : si elle devait courir pour sa vie, elle ne ferait certainement pas demi tour pour une bouteille d’alcool hein ! « Y’a quelqu’un ? » Se risqua-t-elle à demander comme toutes les cruches des séries télévisées flippantes : c’était beau, elle qui se disait à chaque fois en regardant ces séries qu’elle ne ferait jamais ça, voilà qu’elle le faisait à cet instant précis ! Tsss. De toute manière, elle n’eut aucune réponse, comme dans les films encore une fois, mais ce n’est pas pour autant qu’elle changea complètement de façon d’être. Elle allait retourner s’asseoir sur son bout de plage lorsqu’un nouveau bruit un peu plus loin alerta une nouvelle fois son instinct. Cette fois-ci, elle réprima son sursaut de surprise, pour finalement faire demi tour, juste ramasser ses chaussures et s’engager vers le chemin du retour. Pourtant, n’eut-elle pas fait deux pas qu’une silhouette apparue devant elle, pas très loin de la lumière du lampadaire à quelques pas de là. Elle n’eut qu’à plisser les yeux pour reconnaître la personne qui venait de débarquer, connu au bataillon. Elle se permit donc un long soupir, tout en posant sa main au niveau de sa poitrine, avant de reprendre la parole. « Avery c’est toi ? Bon Dieu tu peux pas répondre ! Tu regardes jamais les films d’horreur ou quoi ?! Qu’est c’que tu fais là d’ailleurs ? » Oui, elle était passablement énervée d’avoir été de un dérangée, et deux totalement effrayée. D’autant plus qu’il n’était pas le plus rassurant des hommes, m’enfin… elle osait espérait qu’il n’allait pas sortir un couteau de sa manche. Ou que s’il doive la tuer, qu’il le fasse vite au moins.

En cette magnifique - oh quelle douce ironie - journée, mes occupations avaient consisté à manger, dormir et ronchonner. Pour l'instant, mon séjour sur l'île se passait tranquillement, beaucoup trop selon moi. D'ici à ce que je reparte de cet endroit, j'aurai certainement pris une dizaine de kilos à force de m'ennuyer dans ma chambre. Je déteste m'ennuyer, il faut que je bouge, que je reste actif. Ainsi, deux, trois ou quatre - je ne sais plus - jours après mon arrivée, j'en avais déjà marre. Bon, cela allait certainement probablement changer, j'étais une vraie girouette. Peut-être que demain je m'extasierai sur la beauté de l'île et ses multiples lieux permettant diverses occupations absolument passionnantes. Oui, peut-être demain, mais c'était loin d'être le cas aujourd'hui. J'avais passé la journée enfermé à grignoter, dormir comme un bébé et ronchonner après le manque d'ordre dont faisait preuve ma petite soeur. Peut-être qu'en restant enfermé j'avais manqué une activité sympathique durant laquelle j'aurai pu resserrer des liens avec des idiots perdus de vue il y a une dizaine d'années. Mais cela impliquerait de pointer le bout de mon nez dehors, et de risquer de rencontrer Birdie. Depuis que j'avais posé les pieds sur cette île, elle ne m'avait pas quittée. Elle m'avait laissé... quoi, deux heures de tranquillité en tout ? Alors, un peu de solitude ne faisait pas de mal, loin de là. J'étais donc resté cloîtré durant la journée entière, n'ouvrant même pas les rideaux, par peur que Birdie grimpe sur la façade et vienne s'assurer que je sois là. La journée passait, le temps aussi, et arrivé en début de soirée, j'envisageai enfin de sortir de ma cachette. Il faut dire que j'avais vraiment besoin d'air frais, j'étais à deux doigts de suffoquer dans ma chambre. Passant en revue tous les lieux possibles de m'apporter de l'air frais, je me décidai finalement pour la plage, priant sincèrement pour que Birdie ne soit pas dans les parages. Prenant simplement ma veste dans laquelle se trouvait mon paquet de cigarette, je partis en direction du lieu convoité, passant pas les petits chemins pour être sûr de ne pas être vu.

Je me réjouissais déjà à l'idée de me retrouver seul sur la plage, sans personne dans mes pattes et surtout pas le pot de colle qui me suit depuis mon arrivée. J'avais pris un drôle de chemin pour accéder à la plage, lequel était bordé de buissons et de branches abandonnées à terre. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliquer ? Alors que j'essayai de me faire discret, je fus attiré par la vue d'une silhouette sur la plage. Je me stoppai net à cette vue, me concentrant afin de deviner si cette fameuse silhouette était celle de quelqu'un d'inconnu ou non. Je crus, dans un premier temps, distinguer Birdie, ce qui ne manqua pas de me donner envie de faire demi-tour. J'essayai de la fuir, je n'allais pas encore me jeter dans la gueule de loup. Mais, un bref dernier regard sur ses cheveux avant de rebrousser chemin me convainc que ce n'était pas la jeune femme tant redoutée. Non, ce n'était pas des cheveux blonds, mais bruns. Donc, à moins que Birdie se soit teint les cheveux, ce n'était pas elle. Et effectivement, en plissant les yeux, je reconnus Jules-Rhodia, plus communément nommée Jules. Elle, au moins, je ne cherchais pas à la fuir. Reprenant mon chemin, j'écrasai mon pied sur une branche posée à terre, ce qui provoqua un grincement loin d'être discret. Un bruit qui ne passait aucunement inaperçu.

« Y'a quelqu'un ? » Sans savoir pourquoi, je décidai de ne pas répondre. Peut-être que j'arriverai à lui foutre une trouille monstre, qui sait. Il faut dire que le cadre était parfait pour cela. Une jeune femme sur la plage alors que la nuit tombe, avec pour seule compagnie une bouteille d'alcool fort, un craquement mystérieux, une panique qui s'empare d'elle... Cela sonnait très ''film d'horreur''. Film d'horreur de qualité médiocre, certes. Cependant, je me pris au jeu et n'émit pas le moindre son, caché dans mes buissons. Dans la pénombre, je repérai une nouvelle branche abandonnée à terre. Je marchai silencieusement, avant d'écraser délicatement mon pied sur cette dernière. Suffisamment pour qu'un craquement se fasse entendre, et surtout, qu'il arrive aux oreilles de Jules. Cette dernière ne mit pas longtemps à réagir, puisqu'en un rien de temps, elle avait ramassé ses affaires, prête à s'éloigner le plus vite possible de cet endroit. Que croyait-elle ? Qu'un tueur était à ses trousses ? Oui, bon, puisque nous sommes dans le délire des films d'horreurs. Quoi qu'il en soit, si j'étais un tueur je ne m'en prendrais pas à elle. À moins que je souhaite entraîner mon corps à corps. Car, elle avait du caractère la petite. Dix ans séparait cette rencontre de la précédente, et elle avait certainement changé, je ne pouvais pas prévoir ses réactions. Malgré tout, elle ne me semblait pas du genre à se laisser marcher sur les pieds. Si j'étais donc un tueur, je ne m'attaquerai pas à elle si je souhaitais simplement une poule mouillée qui me supplierait de l'épargner. Était-ce mal de raisonner ainsi ? Mouais, non, probablement pas. Au moins, c'était utile de faire cette constatation, si je souhaitais un jour me tournait vers une carrière de tueur en séries. Jules ne s'était pas encore éloignée de la plage et je m'avançai en sa direction, sortant brusquement de ma cachette afin de me retrouver face à elle. « Avery c'est toi ? Bon Dieu tu peux pas répondre ! Tu regardes jamais les films d'horreur ou quoi ?! Qu'est c'que tu fais là d'ailleurs ? » Le ton de sa voix ne me laissait plus du doute, cette petite partie de cache-cache nocturne avec pour aide les quelques branches rencontrées sur mon chemin ne lui avait pas fait autant plaisir qu'à moi. Je restai silencieux durant quelques instants, continuant ainsi cette légère ambiance film d'horreur. « Non, non, c'est le grand méchant loup, voyons ! » dis-je en prenant une voix grave pour répondre à sa première question. « Quelle agressivité ! Et moi qui pensais que tu serais ravie de me voir. Je dois m'être trompé. » répondis-je avec un soupir, avant de lever les yeux au ciel. « Est-ce que j'ai une tête à jouer les psychopathes dans un film d'horreur ? » demandai-je, rebondissant sur l'une de ses remarques. Qu'est-ce que je faisais ici ? J'essayai d'échapper à une folle furieuse. Ouais, mais ça faisait encore trop film d'horreur. « Je t'en pose des questions ? Bon, je suis venu prendre l'air. Et toi, qu'est-ce que tu fiches ici ? » Et bien oui, j'avais aussi le droit de me montrer curieux. Puis, promenant mon regard sur le sable de la plage, je remarquai une nouvelle fois la bouteille d'alcool à moitié vide. « Je suppose que tu avais un rendez-vous secret avec ton amant l'alcool ? » J'esquissai un sourire avant de croiser les bras sur mon torse.

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